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mardi 6 avril 2010

Perdre le fil









Andrzej Panufnik, Concerto pour piano, extrait.

"Valéry : "Le penseur est en cage et se meut indéfiniment entre quatre mots." Cela dit péjorativement n'est pas péjoratif : la patience répétitive, la persévérance infinie. Et le même Valéry - est-ce le même ? - en viendra à affirmer en passant : "Penser ?... Penser ! c'est perdre le fil." Commentaire facile : la surprise, l'intervalle, la discontinuité."
[...]
Je demeure persuadé que la passion de l'étymologie est liée à certain naturalisme, comme à la recherche d'un secret originel que porterait un premier langage et dont la perte laisserait des indices de langue à langue, indices qui permettraient de le reconstituer. Ce qui justifie à peu de frais l'exigence d'écrire et ferait croire que, par l'écriture, l'homme détient un secret personnel qu'il pourrait découvrir innocemment à l'insu de l'autre, alors que s'il y a un secret, il est dans le rapport infini de l'un à l'autre que la dérive du sens dissimule parce que l'un semble y maintenir sa nécessité jusque dans la mort.
Mais il est vrai que l'idée d'arbitraire en linguistique est aussi critiquable et a surtout une valeur d'ascèse, nous écartant des solutions faciles. (Peut-être la pensée de l'arbitraire du signe suppose-t-elle déjà l'image implicite, dissimulée, d'un "monde".)"
[...]
"La phrase isolée, aphoristique, attire parce qu'elle affirme définitivement, comme si plus rien ne parlait autour d'elle, en dehors d'elle. La phrase allusive, isolée aussi, disant, ne disant pas, effaçant ce qu'elle dit en même temps qu'elle le dit, fait de l'ambiguïté une valeur. "Mettons que je n'ai rien dit." La première est normative. La seconde croit échapper à l'illusion du vrai, mais se prend à l'illusion même comme vrai, croit que ce qui a été écrit peut se retenir. L'exigence du fragmentaire est exposition à ces deux sortes de risque : la brièveté ne la satisfait pas; en marge ou en retrait d'un discours supposé achevé, elle la réitère par bribes et, dans le mirage du retour, ne sait si elle ne donne pas une nouvelle assurance à ce qu'elle en extrait. Entendons cet avertissement : "Il faut craindre que, comme l'ellipse, le fragment, le "je ne dis presque rien et le retire aussitôt" potentialise la maîtrise de tout le discours retenu, arraisonnant d'avance toutes les continuités et tous les suppléments à venir." (Jacques Derrida)"
M. Blanchot, L'écriture du désastre.

(Illustration : M.C. Escher)

vendredi 26 mars 2010

Le coeur malin de tout récit

"A la vérité, l'interprétation freudienne, si elle s'imposait avec l'évidence d'une solution, le récit n'y gagnerait qu'un intérêt psychologique momentané, et il risquerait d'y perdre tout ce qui fait de lui un récit, fascinant, indubitable, insaisissable, où la vérité a la certitude glissante d'une image, proche comme elle et comme elle inaccessible."
Maurice Blanchot, Le livre à venir.

(Illustration : Nicolas d'Angelo)

lundi 15 mars 2010

L'angoisse de lire


"L'angoisse de lire: c'est que tout texte, si important, si plaisant et si intéressant qu'il soit (et plus il donne l'impression de l'être), est vide - il n'existe pas dans le fond ; il faut franchir un abîme, et si l'on ne saute pas, on ne comprend pas."
Maurice Blanchot, L'écriture du désatre.
(Illustration : Olivier Gillet)







jeudi 21 août 2008

Elle passa par d'étrange cités

"Elle passa par d'étranges cités mortes où, au lieu de formes pétrifiées, de circonstances momifiées, elle rencontra une nécropole de mouvements, de silences, de vides ; [...] devant elle, s'étendirent des chutes admirables, le sommeil sans rêve, l'évanouissement qui ensevelit les morts dans une vie de songe, la mort par laquelle tout homme, même l'esprit le plus faible, devient l'esprit même. [...] Elle fut happée par les absences de diamant, l'absence de silence, l'absence de mort, où elle ne pouvait reprendre pieds que dans des notions ineffables, les je ne sais quoi, sphinx de fracas inouï, les vibrations qui font éclater l'éther des sons les plus déchirants et font éclater, les dépassant dans leur élan, les sons mêmes."
Maurice Blanchot, Thomas l'obscur.







Extrait de Radiance 5, par Keith Jarrett.
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