Achevé hier, bien que j'aie cherché à faire durer le plaisir le plus longtemps possible en ne lisant jamais plus d'une nouvelle par jour, le recueil de Roger Nimier Les Indes galantes, avec la plus grande admiration pour le style, et malgré un imaginaire délibérément futile et enfantin. Par excellence un style brillant, virtuose.
Ecriture lapidaire et sensuelle, où les mots les plus simples se mettent mutuellement en valeur par le jeu des contrastes et des sonorités : "Je songeais à l'ennui du meilleur des pères quand il apprendrait ma perte cruelle. Une petite algue m'entra dans la bouche tandis que je riais, car j'étais bien vivant."
Un goût de l'ellipse qui n'est pas seulement de l'élégance ("Elle me releva avec bonté ; le malheur voulut que nos cheveux s'emmêlassent. - Ah ! me dit-elle ensuite dans un soupir, vous êtes un amant fort ingénieux, mais quelle perversité pour vous jeter sur une vieille femme de ma sorte !" ) mais une vraie stratégie d'écriture pour entretenir l'intérêt et l'excitation du lecteur : "Les deux coups de feu ne firent pas plus d'effet qu'un claquement de voile. Après trois semaines de traversée humide, un coup de vent venait de passer. [...] Archibald [...] détourna tout lentement sa tête, devenue très lourde à porter, des deux corps allongés sur le pont".
Evidemment le ton est volontiers parodique, et non exempt d'un certain humour (en particulier dans la nouvelle intitulée "Frédérice, d'Artagnan et la petite Chinoise"). Et ce qu'on peut appeler le sens de la formule : "Sa mémoire est pleine de faux-plis", "la veule et continuelle pâte des jours".