samedi 13 septembre 2008

Marie NDiaye : Comédie classique

Non, Zone de Mathias Enard n’est pas pionnier dans son genre : d’autres romanciers ont auparavant tenté le tour de force du "roman en une seule phrase". C’est notamment le cas des Portes du Paradis de Jerzy Andrzejewski, et de Comédie classique de Marie NDiaye. Certes, notre auteure n’atteint pas les 517 pages du roman récent de Mathias Enard (encensé par Pierre Assouline, qui se demande au passage "où s'arrête un incipit"), puisque le roman de Marie NDiaye prend plutôt le parti de la brièveté (une petite centaine de pages).
Le procédé impose forcément au lecteur un tempo rapide, frénétique même, qui n’est pas sans participer à l’humour du texte (nul étonnement à ce que l’auteure soit également dramaturge). A lire ce livre, on finit par se trouver une certaine ressemblance avec le personnage de ce vieux cousin endimanché, bousculé par la cohue parisienne, et qui finit par se faire voler sa valise : l'écrivain s’amuse à nous placer dans une situation inconfortable pour mieux nous dépouiller.
Un cousin de province qui vient passer quelques jours à la capitale, une sœur vieille fille et acariâtre, une jeune homme fauché qui rêve de devenir romancier : Marie NDiaye joue à fond la carte du stéréotype, et passe en revue tous les codes du roman du XIXe siècle, avec un humour du cliché qui se retrouve jusque dans le style ("pudeur bourrue", "fraîches et fragrantes fleurs"...), un style châtié jusqu’à l’absurde avec ses préciosités et ses imparfaits du subjonctif incongrus ("elle avait ouvert la porte avant même que je fusse arrivé afin que je montasse le plus vite possible et la rejoignisse au salon").
Une affaire d’assassinat qui défraye la chronique et sur laquelle chaque personnage a son avis (et dont les protagonistes finissent par se superposer à ceux du roman lui-même) parcourt le texte à la manière d’un irrésistible running gag. Car c’est bien l’humour qui évite à ce texte de sombrer dans le pensum. Virtuose, subtil mais un peu insipide, cet exercice de style mâtiné de "stream of consciousness" a des allures de Les lauriers sont coupés post-Nouveau-roman. C’est à la fois le charme et la limite d’un roman qui reste une bonne introduction à l’univers de Marie NDiaye.
La romancière travaille actuellement à un film avec Claire Denis.
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