
L’étrange poétique bousculée de Volodine, avec son énergie hirsute, ses énumérations, son baroque violent et halluciné, saisit dès les premières lignes de Songes de Mevlido. Un style à l’emporte-pièce, avec ses scansions, ses poussées éruptives, qui n’hésite pas à donner dans le néologisme (rauquer, désincarcérer), dans l’approximation, ou dans une onomastique improvisée digne d’une mauvaise SF (Djohnn Infernus, Mingrelian…).
Les "slogans" qui traversent le roman comme une basse continue ("INTERPRETE LES CRIS ! IMAGINE L’ENNEMI ! ENTRE DANS L’IMAGE ETRANGE !"), ainsi que les monologues intérieurs en forme d’énumérations, forment des moments de poésie en prose qui font songer aux passages versifiés de La Mort de Virgile de Hermann Broch : "(…) compte nos deux existences en comptant de zéro à un, repose tes épaules sur mes épaules, habite mes pieds et mes mains et tous mes membres un par un, habite mon sang et ma bave, habite l’intime (…)". Difficile cependant de se livrer au petit jeu de la citation, tant la puissance de Volodine s’exprime dans la coulée, dans le débagoulis, dans l’obsession et la démesure. Sorte de Dante punk, l’écrivain campe des scènes sidérantes où s'épanche un imaginaire saisissant (la scène du "décrochage" !), très visuel, cinématographique (scène de l’attentat), mais aussi odorant (inépuisable imaginaire de la pestilence : "l’intérieur de l’appartement sentait l’éponge pourrie et les algues de pissotières").
Mauvais rêve foisonnant et vénéneux, le roman de Volodine impressionne durablement par sa tonalité si singulière, son onirisme poisseux et malpropre.
Herculaneum, par Robert Del Naja (Massive Attack)