Certains textes sont dédiés à un ami, un confrère, un membre de la famille, comme les miniatures de Gyorgy Kurtag, les duos pour violons de Berio, et ce livre tient du cadeau par sa tonalité simple et sans mièvrerie.
"L’amour ne commence pas par l’enlèvement des effets, il est un glissement continu, à perte de vue, de détail en détail, de la fraîche fourrure du manteau à l’oreille brûlante et du sec grésillement d’un bas à la tiédeur d’une cuisse, que l’amour relie entre eux d’une vague souple pour ressouder brièvement le monde."L’auteur tchèque écrit directement en français, dans une langue simple et étrange à la fois (une ponctuation plus prosodique que grammaticale), un style léger et pudique, en camaïeu de gris ("il est des gris laconiques et des gris alanguis, des gris élégants et légèrement désolés. Aucun gris, en revanche, ne saurait insister."). Les métaphores sont rares et sobres, et toujours nécessaires.
"De chaque bouteille de vin apparemment vidée, disent les experts, on peut toujours extraire pas moins de trente-deux gouttes, il suffit de prendre le temps nécessaire. Il est vrai – ajoutent-ils – qu’entre la pénultième goutte et la dernière, il faut parfois attendre six heures" : Petr Kral a eu la patience d’extraire des situations ordinaires la sagesse d’un livre souriant.
F. Schubert, Sonate en la majeur D959 (Andantino), par Andreas Staier
(Illustration : huile sur toile de Gerhard Richter)