
L'EE accompagne les secrétaires pendant un appel téléphonique prolongé. Il rivalise avec les murs d'écrans de téléviseurs dans les grands magasins. Il passionne les artistes qui cherchent de quoi il procède et divertit les algorithmiciens qui savent de quoi il retourne. Il ravit les contemplateurs de poissons rouges.
L'indifférence au public de l'EE ne m'empêche pas pour autant d’entretenir des relations particulières avec certaines de ses propriétés, par exemple le réglage du temps d'attente avant son démarrage. Tard dans la nuit, il arrive que l'affichage de l'EE me sorte soudainement de mon assoupissement et m'informe : « tu devrais aller dormir, ça fait exactement huit minutes que tu n'as rien écrit ». Un réveil pour aller dormir, voilà une mission pour l'EE qui s'accorde parfaitement avec son mode d'apparition pour un public absent. « Vous pouvez vaquer à vos occupations, c'est la condition de mon existence ».
Absence et ravissement, deux états que seuls permettent d'atteindre les objets de grande futilité. Lorsque je me suspends aux mouvements aléatoires d'un EE, je retrouve, sous d'autres conditions, les mêmes attentes que suscite la contemplation d'une toupie en rotation. Je me laisse emporter par un mouvement qui libère les choses et, par sympathie, me libère moi-même, des contraintes de la gravité."
Texte de Richard Monnier