mercredi 14 octobre 2009

Il remplace le pinceau par la grenade

"Plus le procédé est brutal et plus il est estimé, car il laisse moins de place et de délai pour une manipulation suspecte, pour un stratagème ou pour un repentir. D'où la préférence accordée à la déflagration.
La nature est lente. Elle dispose de la durée géologique, de la paresseuse majesté des sédimentations, mais aussi de l'action violente des très hautes températures et des pressions écrasantes, celles qui broient, qui liquéfient et qui volatilisent, qui provoquent l'incandescence et la fusion des plus rétives substances. L'homme, à qui les instants sont comptés, est réduit aux brusques démarches. Il doit agir vite et d'autant plus qu'il désire se préserver du soupçon de frelater subrepticement l'alchimie intérieure dont il attend merveille.
Il estime nécessaire de brûler le temps de la réflexion. Recourant aux énergies instantanées, il remplace le pinceau par la grenade. En procédant ainsi, ce n'est pas le scandale qu'il souhaite, encore qu'il y trouve un plaisir parallèle, mais d'accéder à l'innocence absolue et ombrageuse des forces fondamentales."
Roger Caillois, Esthétique généralisée.

(Illustration : Michael Kareken)
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