"L'air de mer rend les hommes hébétés. L'été sur la plage m'emplit de plaisir deux jours, de désarroi au bout de quatre jours, de stupidité profonde au terme d'une semaine. Manger, dormir, excréter et pisser, jouer, s'occuper les mains et les jambes, se coucher au soleil, se laver, se baigner, se sécher, concentrer le regard infiniment sur le corps de soi-même sapajou ou des autres petits voisins ouistitis s'épouillant, voir en clignant des yeux à cause de la violence de la lumière, sentir extrêmement (tout sent sur les bords de mer, et sent l'enfance jusqu'à la hantise et l'écoeurement [...] ), respirer ou du moins s'efforcer de respirer pour se soustraire à l'odeur régressive, songer creux et inlassablement, craindre la pluie, se protéger du froid, s'abriter du vent, et comme accessoirement parler, s'habiller, aimer, lire, se tenir debout, penser."Pascal Quignard, Le Salon du Wurtemberg.
(Photographie de Richard Misrach)