
Marguerite Yourcenar, Feux.
"Conquêtes de la station debout, les mains témoignent d'un affranchissement qui a engendré le désoeuvrement, et le désir. Elles sont belles du pouvoir qu'elles ont d'être inutiles et de baller ou de reposer, encombrées seulement d'elles-mêmes, propres à refléter le dénuement auquel l'homme en les acquérant s'est voué. [...] Les veines y cheminent, venues du fond du corps et affleurent là, gonflées. L'éclairage souligne leur relief comme il soulève, dirait-on, l'ensemble de la main, ou du moins la tient soulevée, lui confère une substance qui paraît impondérable, lui permet de demeurer comme suspendue. Les mains de l'autre sont ce qu'il a de plus réel. Toujours en avant de lui, elles sont toujours en avance sur lui, toujours plus pleines, toujours plus savantes. Elles trempent dans le présent qu'elles aiguisent et façonnent. [...]
Il n'est pas de main qui n'en appelle avec sa nudité au contact d'une autre peau. Elle semble toujours se retenir de céder à une attirance. Elle magnétise d'une charge aspirante l'espace au coeur duquel elle se tient."
Patrick Drevet, Paysages d'Eros.