"Acclimaté du Nord en France par des oeuvres patriotiques, l'arbre de Noël, distraction naguère d'enfants riches et cosmopolites, se fait chez nous populaire.
Traditionnel, le voici, dans toute sa naïve simplicité.
Par douzaines, c'est d'abord des noix, que légèrement on mouille, avant de les rouler sur une feuille d'or battu : noix dorées ; la même opération est subie, du côté opposé à sa petite joue rouge, par mainte pomme d'api. A cette réminiscence humble et rustique, joindre l'apport citadin, exprimé par un nombre, moindre, de mandarines et égal, de petits gâteaux secs, que suspendra le classique fil de laine rouge, ou peut-être une faveur rose et bleue. Viennent, pour achever ce fonds inmanquable et nécessaire, les cent petites bougies de cire, teintées selon les uns, blanches d'après moi : l'appareil le plus commode pour les fixer aux rameaux est, surmontant une pointe ou une pince, la bobêche mignonne en fer-blanc que cache une collerette de papier blanc découpé, rose ou bleu si l'on use des faveurs. Comme réflecteur, de petites boules de verre soufflé, imitant l'acier, plusieurs mordorées, d'autres bleues, réflecteurs pareils à de grosses perles."
Stéphane Mallarmé, "L'arbre de Noël ordinaire", article pour la revue La Dernière Mode.